La «Musicienne» des Jaquet-Droz.

---par A. Chapuis et E. Geles avec M. H. Wanner

Avec La «Musicienne» des Jaquet-Droz, nous allons retrover un des plus beux androïdes parmi ceux qui font l'objec de ce chaptire.

Cet automate, on s'en souivent (1), fut terminé en 1773 en même temps que le «Dessinateur» et le «Grotte» Une acte dont nous avons déjà donné quelques extraits (2) inidiquait dans quel état d'avancement il se trouvait en septembre 1772 d'après une déclaration de Jean-Frédéric Lesschot, le collaborateur des Jaquet-Droz:

« La figure d'estinée `a jouer de l'orgue et du clavecin n'aviot dans ce dit temps que les charnières des doigts et Celle des Reins, les bras étaient attachés au Rouage que portiot a Cilindre pointé sans que les leveres et le courbes fussent finis; le movement de la tete ses yeux et de la gorge n'existate pas encore et ce n'est que longtemps après et par interruption qu'on a travellé à leur donner des Movements, e ce que m'en assure d'autant plus, c'est que Monsier Henry Jaquet- Droz fit faire à un certain Mathiaté [Matiaek] (1) les fluttes, souffetes, et Pilottes, pour]edit Jeux dans le commencement du Mois de Novembre 1772»

On donc voit combien rapidement fut terminé la «Musicianne».

Les documents, trop pue précis n'indiquaient pas clairment si à l'orgine, l'android jouait de l'orgue ou des clavecin. Ce Point, longtemps discuté, est éclaire aujourd'hui par l'act qui précède, car les flûtes, soufflets et pilotes que comportait l'instrument, sont en effet, les organes caractéristiques d'une orgue en n'existent pas dans un clavecin.

La figure 513 montre l'aspect de cet androide vers 1780.

Le Méchanisme de la «Musicianne» des Jaquet-Droz (décrit avec la colabboration de M. H. Wanner).

Les Jaquet-Droz et leur collaborateur Leschot donnèrent à la «Musicianne» l'aspect d'une jeunne fille dont la grâce deviat plaire au spectateur également charmé par les airs qu'elle jouait. Elle est assise devant un instrument à clavier et ses doigts agiles appuyant sur les touches, exécutent avec régularté et précision les morceaux qu'elle paraît suivre attentivment sur les feulles de musique placées sur le pupitre (fig 514)

Quelle apparance naturelle dans la suite des attitudes es dan tous le gestes! Éprovant quelque émoi devant le public que l'ecoute, la demoiselle respire et tourne as tête à droit et à gauche, jetant ses regards sur l'auditore. La voilà maintenant prête a jour : son corps se penche légèrement, comme pour lire de plus près les notes; ell attaque une pavane ou quelque autre des ces airs délicates du vieux temps. Nous suivons émerveillés son aimable concert trop tôt achevé; la gracieuse artiste redresse alors son buste et, sensble aux compliments qu'elle, devine, elle fait une impeccable révéance: ensuite son regard, parcourant l'assemblée comme pour s'assurer de son succès, nous engage à demander une noville audition.

En réalité, c'est l'inventeur que nous applaudissons dans sa déliceuse intérprète, car elle est vriment belle, la merveille qui a pu, nous faire oublier un instant, que cette ve ne venait que d'une insensible mécanisme.

Mais quel mécanisime ingéniusement combiné et habliment construit! Nous allons en étudier les détails avec précision; le lecteur, aprés avoir suivi le nombreuses fonctions de rouages et de leviers judicieusement disposés, vera ansi que la beauté d'exécution de cet androide ne le cède en rien à l'harmonie qui se dégage de son aspect extérier et de son jeu.

La «Musicieanne» des Jaquet-Droz est un joli ensemble que mesure 1m. 80 de hauter, 0m. 66 de largeur et 0m. 85 de profounder. Le clavier de son instrument, long de 0m.40, comporte 24 touches.

Une épaisse base de bois sert de support à tout l'appariel où se trouvent quatre movements d'holologrie que se commanent ou se conamnent multuellment.

Etudions tout d'abord le mécanisime de l'harmonium que représente clairement la figure 515. Le lectur n'a pas oublié que ce sont les doigts de la musicienne qui jouent effectivement en apuyant sur les touches du clavier : comme dans le véritable instrument. il faudra donc avoir un producteur de vent, et des clapets commansés par des touches, dirigeront ce vent les tuyau sonore convenable. Le movement de la soufferie est trés puissant : les Jaquet-Droz ne disposant probablement pas de ressorts suffisamment forts furrent conduits à employer deux barillets B au leiu d'un seul. On voit au-dessus leurs fusées respectives E et, reliant barillets et fusées, deux chaines e, L'axe C4 de remontage port un pignon c engrenant avec une roue d5 fixée sur l'axe commun aux deux fusées. L'une des roues de fusées E (celle de gauche sur la figure) commande un train d'engrenages dont le dernier terme porte une mainivelle F1 actionnant la bielle f5; celle-ci imprime un mouvement alternatif au levier g, fixé sur l'axe h que port à l'autre extrémité (cachée sur la figure) deux branches (dont l'une visible en i2) reliée chacune à un soufflet.

On voit dès lors le fonctionnement : régularisé par volant H commandé par pignion et vis sans fin G, le levier I1 arréte ou laisse libre la rotation.

Tel est le seul artifice de cette pièce artifice obligatorie, ar les pieds de l'automate, non articulés n'auraient pu actionner les pédales de la soufflerie.

Passons maintenant au movement plus compliqué renfermé dans le siège sur lequel repose la musicienne et que les figures 516 et 517 mous montrent sous deux aspects différents.

Tout d'abord, puisque nous venons de voir comment était produit le vent, examinions comment l'emploie l'exécutante.

Essayons de schématiser l'ensemble un peu confus de ces organes - confus en apparence car on verra que les fonctions sont méthodiquement ordonnées -; la suite de la description aura peut-être ansi plus de clarté.

Entre les platines A (fig. 516) est monté le cylindre C dont les pointes et les cames commandent à proprement parler le jeu de la musicienne (en 1).

A l'arrière (au premier plan sur la figure), entre les platines L, est le mécanisme du mouvement de la téte et de la respiration (en 2).

Enfin au-dessous du mécanisme principal est un mécanisme indépendant qui fait accomplir à l'automate sa révérence (en 3).

Isolons maintentant la partie du mécanisme qui commande le jeu proprement dit, c'est-à-dire le mouvement des doigts (fig. 516).

Le cylindre C tournant entre les platines A, comprend quatre parties C1, C1, C2, C3 Les régions C1 que l'on voit piquées des pointes et de ponts, commandent les doigts par l'intermédiaire des leviers D5 qui sont soulevés au passage. Mais le point délicat est ici : il fallait transmttre l'action des leviers à ces doigts, car les mains sont situées assez loin du cylindre. Les Jaquet-Droz ont usé pour cela d'un ingénieux et tres simple moyen : au lieu de faire passer les commandes dans toute la longueur du bras depus l'épaule, ils ont choisi le chemin le plus court, c'est au coude que se fait la jonction avec le bras de la musicienne. Le corps lui-même ne contribue donc pas à ces mouvements et lorsque l'automate est revêtu de ses habits, on ne s'apercoit pas de cette habile combinaison qui, entedons-le bien, n'est nukkement un défaut.

On voit en E1 le transmissions actonnant au coude les doubles leviers qui agissent sur ceux des doigts e1 (fig 517). Les avant-bras sont montrés sur les axes F pivotant en f et peuvent ainsi effectuer leur mouvement latéral commandé par les cammes c2. Le long ressort f1 exerce constamment en effet sur la branche f2, solidiare de l'axe F, une pression qui l'appuie contre les leviers f3 commandant le bras. On remarque en f4 les «poulets» (écrous de réglage) qui permettent de placer le doigts exactement au-dessus des touches du clavier.

On peut varier à volonté les airs : le passages de l'un à l'autre s'opère automatiquement, ou bien, si l'on a particulièrement goûté un morceau, on pourra laisser la musicienne le reprendre sans arrêt. Ces variantes sont obtenues par le mécanisme que nous allons décrire.

A l'extrémité droit du cylindre (fig 516), on distingue un levier D qui peut entraîner l'etoile D1 solidare d'une colmacon sur le flanc duquel appuie la tringle D2. A l'extrémité opposée de cette tringle est attaché un levier D8 dont le second bras fait effort sur la partie en saillie de l'axe du cylindre C. Veut-on recommencer l'air joué? On appuie sur le levier D3 (fig 517) qui amènera la pièce D4 (fig. 516) liée à lui, dans le champ du levier D, lequel, déclenché à chaque tour, ne viendra plus en contact avec l'etoile D1 : celle-ci restant immobile, le morceau serra répété. Si nous agissons en sens contraire sur le levier D3 par l'effect des intermédiaires ci-dessus, D4, D et D1, létoile serra entraînée, changeant l'air à chaque tour, car, par l'action du levier D8, le cylindre C glissera dans le sens de son axe, présentant les pointes, ponts et cames correspondant au morceau qui convient.

Nous savons ainsi comment est produite la musique proprement dite. Etudions maintenant comment s'opèrent les moveements de la Musicienne au cours de la l'audition.

Un des plus curieux est celui de la tète qui se tourne à droite et à gauche, geste rendu plus expressif par le mouvement des yeux.

En O (fig 516), se trouve une came irrégulierement taillée sur le champ de laquelle appuie le levier o articulé avec la tige o1 actionnant le levier en équerre o2. Lorsque le mécanisme principle s'arréte - nous avons vu que la Musicianne ne tournait la tète qu'avant et après les morceaux - la pièce o3 accroche le levier g1 dont on voint en g2 l'articulation avec la pièce g3 montée sur l'axe g4 que, on le comprend aisément imprime à la tète un mouvement de droite à gauche.

A la partie inférieur du mecinisime (fig 516) on voit une série d'organes indépendants dont nous n'avons pas encore parlé : ils sont desrinés à faire accomplir à l'automate le mouvement de la réverance par laquelle il remercie gracieusement le public. On voit en H1 le bairillet en son carré de remontage h1. Mais reportons-nous un instant à la figure 517 pour remarquer sur le flasque du cylindre une « coche » d2 dans laquelle, à la fin d'un tour complet, vient s'engager l'extrémité du levier d1 bloquant ainsi le mouvement ; la tige I fixée sur d1, se prolongeant après un renvoi d'angle en i (fig 516) transmet ainsi son mouvement au levier coudé i1 dont une branche, traversant la platine inférieure, vient déclencher près du barillet H1 le méchanisime produisant la révérence. A ce moment, le levier j se soulevant, permet à la longue branche j de déplacer le rouleau fixé à son extrémité suivant la courbe intérieure du flanc de la came ; j par l'intermédiaire des tiges K et de la piece k1 placée à l'articuation du buste, fait donc incliner celui-ci pour la révérence.

Avant l'exécution du morceau, le public est particulièrement frappé par l'apparente respiration de artiste. Un médecin faisait un jour cette remarque : « Quel observateur fut Jaquet-Droz! sa musicienne respire comme les femmes de haut en bas » Rien n'a été néglige, en effet, pour parfaire l'illusion de la réalité. A l'arrière du mécanisime principal (au premire plan fig 516), l'organe «respiratorie» est contenu entre les platines L. Le barillet l actionne au moyen d'une chaîne la fusée dont le carré de remontage est visable en l1 : une petite roue M commande le volant régulateur m par vis sans fin. En N se trouve le verrou aggisant sur le levier n qui, soulevé à chaque tour par une excentrique (invisible sur l'image), détermine le rythme de la respiration; le levier n1 en effet, à l'extrémité duquel s'attache la transmission verticale n3, qui actionne le renvoi d'équerre n4 soulevant la poitrine, pivote en n2 et reproduit les mouvements alternatifs que nous avons vu exécuter par n.

Reste maintenant à donner aux yeux leur mobilité; alors cette gracieuse dame aura de la vie, presque tous les caractères physiques. Nous remarquons en P (fig 516) deux crochets qui. poussés en avant lorsque s'arrête le mécanisime principal (donc à la fin du morceau et pendant la révérance) entrent en contact avec les tringles p : ces tringels actionnent les longues tiges verticales p1 qui agissent à leur tour sur les leviers coudés p2, ceux-ci tirent sur les transmissions des yeux, imprimant à ces derniers un double mouvement, latéral et vertical. Dès que le mécanisime principal se remet en maarche, les crochets P sont poussés en arrière : ce sont alors les deux leviers actionnés par les grandes cames du cylindre qui remplissent leur office et l'automate lit sa musique.

L'unité mécanique de l'ensemble et la pureté de conception sont telles que ces multiples organes occupent un espace tres réduit; aussi la reproduction photographique ne donne-t-elle pas toute la clarté de détail que l'on pourrait souhaiter : nous espérons cependant que notre essai de description et d'analyse méthodique des mouvements si variés, aura donné au lecteur la mesure de l'ingéniosité qu'ont déployée les Jaquet-Droz.

Nous connaissons maintenant les secrets que dissimulait tout à l'heure le joli costume de l'aimable musicieanne. Avant de la parer à nouveau de ses atours, retenons un instant encore notre attention sur des leviers et des rouages pour savior comment donner la vie à tous ces mouvements préts à fonctionner.

Tournons d'aboard le verrou N (fig 516) pour déclencher le mécanisme de la respiration : la came O fait mouvoir la téte, les crochetes P rendent les veux mobiles. Mettons alors en marche la soufflerie et poussons le levier R (fig 517) qui libérera le levier d1; le volant d4 est libre, le cylindre C tirne, soulevant les leviers D5 (fig 516) qui agissent sur les doigts. Lorsque nous désirerons accorder un moment de repos à l'artiste, nous ramenerons le levier R (fig 517) à sa premére position, et du entrant au passage dans son encoche, arrêtera le mécanisme.

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